Pour sa prochaine exposition personnelle, sa première dans un musée en France, Charlotte Moth s’intéresse à la collection et à la rénovation du MAMC+. Telle une chercheuse menant une enquête de terrain depuis 2021, Charlotte Moth scrute les transformations du bâtiment, tout en cherchant dans ses entrailles que sont les réserves, quelques pépites ramenées à la vie.
Sa nouvelle série de photographies analogiques assemble ainsi des œuvres de la collection provenant d’espaces géographiques et culturels différents : design, art moderne et contemporain, artefacts, objets extra-occidentaux. Sur des images au papier mat, dans des fondus de gris subtils, une sculpture de moine du 16ᵉ siècle dialogue ainsi le plus naturellement possible avec une sculpture de Sol LeWitt ; comme une lampe du designer Ugo La Pietra voisine tout aussi logiquement avec une poupée de bois du Ghana. Avec une poésie certaine, ces duos inattendus remettent en question les canons fixes de l’histoire de l’art tout en offrant de nouvelles lectures imaginaires.
La première partie de l’exposition, phénoménologique, semble mettre en condition le visiteur. Une confrontation directe à l’espace (en miroir), à la couleur (bleue), aux matériaux (plumes) et à des formes primaires (le cône) invite à expérimenter physiquement certains sens nécessaires à l’impression cognitive de la suite du parcours.
La deuxième salle s’ouvre sur un paysage sculptural. Une forêt de structures métalliques dessine dans l’espace des circuits verticaux et horizontaux sur lesquels se détachent ici et là des photographies. Les vues de l’architecture du musée en rénovation, depuis son évidement, sa destruction et jusqu’à sa progressive remise en forme, en nouvelle peau, côtoient une trentaine de couples d’œuvres de la collection en noir et blanc, tels les habitants immuables d’un monde en constante évolution. Les images spatialisées apparaissent au fil du parcours du visiteur, en alternance avec des papiers et verres de couleur, renforçant leur théâtralité.
Un script mis à la disposition du public apporte une résonance littéraire aux rapprochements formels imaginés par l’artiste. Sous une forme poétique, Charlotte Moth raconte, décrit, associe, interprète à sa manière les œuvres de la collection, grâce aux informations, parfois parcellaires, collectées dans les archives. Les textes du script, lus lors de performances régulières dans l’espace d’exposition, trouveront un autre écho dans la voix de comédiens.
La dernière salle, baignée de lumière lilas, présente un film 16 mm en boucle, où l’on voit la chute incessante de plumes au poids mystérieux. Plus loin, des costumes hauts en couleurs attendent leurs interprètes pour un prochain récital.
Le « paysage arrondi » proposé par Charlotte Moth sur 600 m² est une forme d’alchimie des œuvres, des territoires, des périodes, des matériaux et des pratiques. Il envisage la collection comme un tout et le musée comme d’infinies rencontres entre objets. L’exposition est une promenade intérieure, hors du temps, où les œuvres se dévoilent pour elles-mêmes, autrement.
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Aurélie Voltz
Directrice du MAMC+